Cueillir l’horizon

09.03.2303.04.23

Else Bedoux – Clara Galmiche – Thelma Garcia – Eva Khatchadourian – Elisa Laugier Martinez – France-Lan Lê Vu – Maridélys Léonet – Lillé Pascal – Anaïs Roubertou – Juliette Vergori

Chapelle du Quartier Haut, à Sète

Dix pratiques singulières, dix femmes dépassant l’horizon de leurs études avec un diplôme national supérieur d’expression plastique obtenu l’été 2022 à Nîmes. Elles sont à un moment charnière, fragile, mais déterminant de leur cheminement. Avec la présentation de leurs productions récentes, l’exposition rassemble et affirme leurs voix.

Le titre de l’exposition, Cueillir l’horizon, provient d’un des poèmes de Clara Galmiche. Son écriture sensible encapsule des « sentiers-mémoire » et des « chemins de désir » en suivant des lignes des paysages traversés, leur inscription dans le corps et l’imaginaire. Tant de tendresse qu’elle brode avec la nature et ses compagnons de route. Soucieux de l’héritage éco-féministe – pour qui les rituels, la spiritualité et le partage au sein des collectifs de femmes découlent d’alliances soutenues avec Gaïa – le duo de Clara Galmiche et Lillé Pascal pose le geste, modeste mais ambitieux, de la collecte au cœur de leur pratique.

Les critiques de notre société actuelle sont sous-jacentes à cette démarche, rarement revendicatrice dans l’ensemble des œuvres exposées. Au lieu d’une colère dévastatrice, une recherche de nouvelles formes de vie est manifeste. Dans notre monde abîmé, les œuvres exposées sont comme des « paniers », à l’instar de la théorie d’Ursula K. Le Guin. Ils sont tressés pour observer et cueillir ce qui paraît fructueux dans le quotidien.

La Chapelle du Quartier Haut de Sète a la particularité d’être un lieu marqué par l’enseignement, dispensé d’abord par des sœurs noires venues à Sète au début du XVIIIe siècle, puis par L’École Pratique de Commerce et d’Industrie, ainsi que le Collège Technique au début du XXe siècle. Les murs et des fenêtres obstruées en témoignent toujours. Lieu de transmission donc, réaménagé pour la diffusion de l’art contemporain, la Chapelle du Quartier Haut accueille avec cette exposition les œuvres d’artistes qui portent attention à l’incertitude et aux champs des possibles.

Parmi ces artistes, règne une sororité précieuse nouant leurs pratiques pour former un mode d’existence collectif. L’exposition tente d’aller au-delà de l’idée de l’appartenance à un groupe désigné (tel que celui de « jeunes diplômées de l’ésban ») pour permettre l’émergence d’un rapport de confiance et de liens tissés. En cela, avec Marielle Macé et Michel Foucault, la création opère un élargissement à la vie elle-même. La visite de l’exposition se dessine dans l’écrin de la Chapelle du Quartier Haut comme une déambulation entre différents médiums : peinture, photographie, performance, édition, dessin, sculpture et installation. Partant avec les indices spatiaux du bâti issus des walkspaces de France-Lan Lê Vu et la représentation abstraite des scénographies d’espaces muséaux d’Eva Khatchadourian, l’univers se déplace petit-à-petit vers le paysage, dans la nef de la Chapelle. Les paysages mentaux sonores de Juliette Vergori, les énigmes des sites semblant paisibles de Thelma Garcia, la photo de famille de cascade traversant la chaine d’impression d’Else Bedoux, l’évocation des cabanes des bois de Clara Galmiche et Lillé Pascal, l’empreinte du souffle de Maridélys Léonet, la ligne d’horizon d’Elisa Laugier Martinez et finalement le tapis d’algues d’Anaïs Robertou sont autant de tentatives pour prendre la mesure des nouvelles façons d’habiter.

Anna Kerekes, commissaire de l’exposition et enseignante à l’ésban

Un projet de l’École supérieure des beaux-arts de Nîmes, réalisé à la Chapelle du Quartier Haut avec le soutien de la Ville de Sète.

Visites : chaque dimanche à 16h, une des artistes vous propose une visite de l’exposition. Entrée libre.

Graphisme : Aurore Chassé
Jennifer Caubet : « En réserve »